Titre : Intervenir en contextes pluriels : pratiques langagières et corporelles différenciées de l’enseignant et perpétuation des inégalités sociales et scolaires
Mots clés : Contextes – Enseignants – Dispositions – Interactions – Inégalités
Lorsqu’elle est comparée en contextes pluriels, l’intervention éducative et sociale est fréquemment appréhendée par le prisme des savoirs scolaires. Aussi, les sciences sociales ont-elles montrées à plusieurs reprises que les connaissances enseignées, ainsi que ce comment elles sont transmises, diffèrent selon le milieu social réel ou supposé des élèves (Tanguy, 1983 ; Poggi-Combaz, 2002 ; Forquin, 2008).
Pourtant, la réalité et la quotidienneté de l’enseignement ne se limite pas à la transmission de savoirs factuels. L’intervention éducative et sociale des enseignants est nécessairement plus complexe : elle se caractérise également par la façon dont ces derniers se mettent en scène et interagissent (Winkin, 1981) en fonction des spécificités du contexte où ils enseignent.
En situation de face-à-face pédagogique, cette mise en scène de l’enseignant est selon nous directement corrélée à ses dispositions – manières d’être, de penser, de discourir, d’agir (Lahire, 1998). Plus précisément, est émise et défendue au gré de cette communication la thèse selon laquelle les enseignants modifieraient et adapteraient leurs dispositions – on se centrera sur leurs manières de se tenir à distance physique des élèves (Hall, 1971), de se vêtir et de discourir (Labov, 1976) qui, toutes, en sont des révélatrices – selon le contexte dans lequel ils professent ; mais aussi et surtout, il sera avancé que ces variations et adaptations des dispositions, réalisées le plus souvent à l’insu même des enseignants, contribuent à faire des différences entre les élèves de milieux sociaux distincts.
Pour soutenir cette thèse, nous prendrons appui sur une enquête de terrain comparative conduite au niveau microcontextuel : plus de 150 heures d’observations in vivo des pratiques enseignantes au sein de collèges manceaux et parisiens (de compositions sociales distinctes), de nombreuses photographies, filmages et entretiens. Ces données et analyses des communications verbales et non-verbales des enseignants envers les élèves en contextes pluriels permettent de mettre au jour des variations dispositionnelles qui diffèrent (et peuvent être caractérisées) en fonction du milieu social des élèves. C’est dire que, par ces distinctions, les enseignants participeraient au maintien des inégalités sociales et scolaires au sein de l’école.
Bibliographie
- Forquin, J.-C. (2008). Sociologie du curriculum. Rennes : PUR.
- Hall, T. (1971). La dimension cachée. Paris : Seuil.
- Lahire, B. (1998). L’homme pluriel. Les ressorts de l’action. Paris : Nathan.
- Labov, W. (1976). Sociolinguistique. Paris : Minuit.
- Poggi, M-P., & Combaz, G. (2002). L’illusion d’une éducation corporelle commune en éducation physique et sportive. L’année sociologique, 52, 479-505.
- Tanguy, L. (1983). Savoirs et rapports sociaux dans l’enseignement secondaire en France. Revue française de sociologie, 24, p. 227-254.
- Winkin, Yves & al. (2000). La Nouvelle Communication. Paris : Seuil.
Biographie
Doctorant en sociologie à l’Université du Maine et de Montréal, en co-tutelle internationale, sous la direction de Omar Zanna et Jacques Hamel (sociologues). Il est également membre du laboratoire VIPS (Violence, Identité, Politique et Sport), enseignant d’EPS, enseignant vacataire en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives, mais aussi formateur d’enseignants du secondaire.