MAACHE Youcef

Titre : Intervention pédagogique et re (construction) identitaire. Compte rendu d’une expérience.

Mots-clés : intervention éducative – reconstruction identitaire – modalités performatives

A/ Problématique :

Notre « expérience » avait pour point de départ un constat de fait étendu sur plusieurs jours à la rentrée universitaire 2009/2010. Ayant la responsabilité du « module » introduction à la psychologie, j’avais remarqué un fait qui se donnait à voir avec beaucoup d’intensité : la présence dans le groupe classe de 03 étudiants  « étrangers sahraouis » qui se muraient dans le silence le plus total. Ils étaient en retrait et cela se déclinait avec beaucoup de visibilité. Ils  n’étaient pas intégrés au groupe et cela pouvait constituer une entrave à sa cohésion et à sa progression (cf, théories de la dynamique du groupe ; kurt Lewin, Mayo Elton, etc.)

B/ Justification de l’action à mener ou étayage référentiel :

Sachant qu’aucun objectif pédagogique ne pouvait être atteint « convenablement » avec un groupe classe « désuni » et fortement soumis à des « stéréotypes » forts : « l’étudiant étranger, l’étudiant réfugier etc. » qui alimentaient  un imaginaire des plus fertiles, je me devais d’agir le plus rapidement possible et ne pas me contenter de constats fussent-ils les plus probants.

Après moult cogitations, conseils auprès de collègues et responsables et consultations  de la littérature spécialisée, germa alors l’idée d’un projet à monter avec la participation de tous les étudiants du groupe sans exclusif. Commença alors la grande manœuvre des discussions, propositions et négociations pour l’établissement tout d’abord d’une confiance jamais donnée à priori.

La confiance de tous obtenue, le sujet du projet arrêté de commun accord, nous pouvions commencer.

(Le projet proposait  en dernière instance la dissertation d’un rapport collectif sur « école et genre au Sahara Occidental ».

Notre projet était de part sa « véracité » inscrit dans la thématique de l’intervention éducative. En effet  l’idée princeps qui sou tend cette dernière est qu’elle  vise  la transformation de l’autre en agissant simultanément sur 04 dimensions (Yves Lenoir et al, 2002) :

  1. Le ou les savoirs à transmettre à l’apprenant,
  2. Le sujet/apprenant/co-constructeur des savoirs acquis et auxquels le sens donné est le résultat, parfois, d’âpres négociations,
  3. L’organisation/gestion du groupe classe,
  4. Et enfin le contexte dont l’importance n’est plus à démontrer tant la psychologie sociale en a fait l’un de ses concepts clés (cf, cognition sociale, communication, représentation sociale, les phénomènes culturels et sociétaux, etc.)

Ainsi il est à noté que du modèle présenté d’une manière très sommaire, la dimension relative à l’apprenant était, à dessein,  centrale dans  le schéma de notre « intervention ». Il nous importait en premier d’apporter les changements nécessaires au « psychologique » de ces 03 étudiants, préalable, à notre sens,  à toute tentative d’apprentissage.

C/ Déroulement de l’expérience et résultats obtenus :

Les résultats mis en valeur ci-après ne sont en fait que l’expression d’une parole expressément donnée  par « nos soins » et acceptée non sans difficultés par les sahraouis ; ils ne voulaient, au départ, aucunement entendre parler d’un projet dans lequel ils étaient obligés de « se dévoiler » à l’autre aussi « étranger » qu’eux.

Notre insistance à fini par payer et atteindre l’objectif escompté, à savoir la participation sans conditions, de ces 03 étudiants, au départ extrêmement récalcitrants, à notre entreprise.

Notre approche à vocation anthropologique rend compte, dans un contexte de rencontres interculturelles, du parcours de ces 03 étudiants à travers les différentes étapes de la réalisation du projet grâce notamment à une narration de soi principalement en mots.

Cette narration n’a été possible que grâce à une immersion pédagogique de tous les acteurs en place sur  notre insistance constructive. Au terme de « l’intervention pédagogique »  07 composantes ayant participé à la « reconstruction identitaire » de ces étudiants ressortent. Elles retracent fidèlement leur parcours de la phase de la constatation du « problème »  à la rentrée jusqu’à  celle de la finalisation du projet 03 mois après.

Il important de souligner que la narration dont il est question a été recueillie à travers la confection d’une sorte de journal,  une sorte de portfolio, où les étudiants notaient, au jour le jour, dans le détail  leurs expérience en rapport avec les autres dans la recherche et la confrontation des informations relatives au projet arrêté collectivement.

C.1/ Les phases d’écriture du journal/confection du projet :

La phase 1/ L’écriture en solo :

Dans cette phase les étudiants ; algériens et sahraouis, devaient travailler en solo, chacun cherchait les informations de son côté. L’exposé oral des différents travaux individuels et leur discussion en profondeur signait la fin de cette phase.

La phase 2/ L’écriture en duo :

Dans cette phase les étudiants comparaient deux à deux leurs réalisations afin d’aboutir à la confection d’un travail qui devait être la « résultante » des deux travaux exécutés individuellement. Il est à noter que dans cette phase et pour une plus grande efficacité de leur intégration, les étudiants sahraouis ne devaient pas se retrouver entre eux.

La phase 3 / L’écriture collective :

Les devaient, à partir des travaux réalisés en duo, réaliser un travail traduisant leurs intérêt collectif. Plusieurs séances de discussions et de débat ont été nécessaires à la concrétisation de cette phase. Le texte élaboré a fait l’objet d’une publication dans  la revue de la faculté.

C.2/ Analyses des périodes par lesquelles les étudiants sahraouis sont passés et essai de conceptualisation :

Les périodes en question ont été arrêtées à partir de l’analyse de la progression dans la réalisation du projet. L’essai de « conceptualisation » s’est étayé sur une constatation attentive des modifications enregistrées sur les comportements et les attitudes de ces étudiants sahraouis.

1/ Période de destruction et de mort. 2/ Relecture du passé récent et même « ancien ». 3/ Découverte et invention d’un nouveau soi. 4/ Etablissement et solidification du lien social. 5/ Appropriation du pouvoir d’action, de choix et de liberté. 6/ Instauration d’un sens à la vie « nouvelle » et d’une vision du monde. 7/ Elaboration d’une spiritualité.

A partir de ces 07 composantes, nous dégagerons 04 modalités performatives :

 01/ Le silence/recul : nécessaire à une première « immersion » dans le « monde du pays d’accueil». 02/ Le chuchotement d’avant « plongeon ». 03/ Le dire d’urgence sans réel apprentissage. 04/ Le dire après apprentissage. 05/ Le dire relationnel.

Bibliographie sommaire 

  • Charlot, B (1998), Du rapport au savoir. Elément pour une théorie, Paris, Economica-Anthropos.
  • Lenoir, Y., Rey, B & Fazenda, I. (dir.). (2001), Les fondements de l’interdisciplinarité dans la formation à l’enseignement, Sherbrooke, Editions du CRP.
  • Lenoir, Y & al (2002), l’intervention éducative : clarifications conceptuelles et enjeux sociaux. Pour une reconceptualisation des pratiques d’intervention en enseignement et en formation à l’enseignement, in revue  «  Esprit Critique », revue électronique de sociologie (www.espritcritique.org), numéro thématique sur  « l’intervention sociologique » sous la direction d’Orazio Maria Valastro, avril 2002.
  • Maache, Y. (1998), Instituteurs algériens, réalité et discours, thèse de doctorat, université Paris 8, sous la direction du professeur Guiglione Rodolphe.
  • Maache, Y (2002), L’école fondamentale polytechnique : un exemple d’éducation à la citoyenneté, in Revue Sauvegarde de l’enfance, Elsévier, n° 2,  Paris.
  • Maache, Y (2002), Le journal interculturel, une expérience à la citoyenneté et à la démocratie, in Revue Sauvegarde de l’enfance, Elsévier, n° 4, Paris.
  • Maache, Y (2012), Projet et portfolio de l’apprenant. Pour un apprentissage maximum, in Revue de l’INRE ( L’Institut National de la Recherche en Education), Alger, mai 2012.
  • Postic, M (1986), La relation éducative, Paris, Puf.

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