BERGUGNAT L. & BARBIER S.

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Titre : Un moment de crise dans l’accompagnement d’une équipe pédagogique : quelle prise de risques pour les chercheurs et les praticiens ?

Mots-clé : crise – valeurs – groupe – équipe – habitus

Au cours de l’année 2011 une recherche-action-formation a émergé d’une demande de l’équipe pédagogique d’un collège expérimental de la région de Bordeaux. Cette équipe souhaitait éclairer ses pratiques et s’interroger sur des questions éducatives pour se sentir plus sereine face aux contraintes du métier ressenties.

La problématique de l’étude :

La question s’est posée aux chercheuses sollicitées de savoir comment accompagner une équipe professionnelle vers le changement qu’elle souhaitait, tout en lui assurant une plus grande autonomie. Trois hypothèses  ont permis de répondre à cette paradoxale question de « l’accompagnement vers l’autonomie »: a – le changement, l’apprentissage de nouveaux comportements doit émerger du groupe et non provenir de l’extérieur ; établir et/ou restaurer la confiance de l’équipe en  sa capacité à réfléchir et à agir est alors essentiel. b – Les outils de la recherche-action proposés sont à adapter, à ajuster à tous moments et doivent permettre à l’équipe, non seulement de les utiliser en l’absence des chercheuses, mais d’en créer de nouveaux si nécessaire ; l’inscription dans le temps est indispensable à l’appropriation de ces outils. c- les chercheuses qui acceptent de composer avec l’incertitude de l’entreprise visée, acceptent aussi le risque de l’échec, de la remise en cause de leur compétence. Elles intègrent l’idée du rejet par l’équipe de leur propre personne.

Nous voudrions ici faire état d’une difficulté majeure à laquelle nous nous sommes confrontées. Malgré toutes les précautions prises, d’ordre épistémologique, nous avons traversé une crise  à la fin de la première année d’accompagnement en juin 2013, crise entendue dans son sens étymologique de krisis, qui signifie « décision », entendue aussi comme «une rupture des équilibres antérieurs, une incapacité à réguler ou à stabiliser leur jeu pour recouvrer une dynamique fiable » (Cellier, 2010, 76). Ce moment critique a révélé la problématique de la posture de chacun dans le groupe, qu’il soit chercheur ou praticien, sur trois points clé :

  • La question de l’habitus (Bourdieu, 1972, 1980), ce qui se joue à l’insu des personnes dans la pratique sociale et plus particulièrement dans un moment de crise?
  • La question du risque pour le chercheur dans la prise de décision au cœur de la crise et qui interroge la poursuite de son engagement.
  • Le rapport au temps, et plus particulièrement le temps psychologique de chacun (le kaïros)  qui peut faire crise.

Cadre théorique et méthodologique :

Notre recherche-action est largement inspirée du modèle « théorisation, évaluation et publication » (Barbier, 1996, p102). A partir d’une situation problématique, ce modèle en spirale planifie l’action, puis l’évalue avec les acteurs, engendrant ainsi une rétroaction sur le problème qui donne lieu à une nouvelle planification et action, phase qui sera de nouveau évaluée et théorisée pour rétroagir sur le problème et ainsi de suite.

Notre méthode de recherche procède d’observations de réunions de travail et de situations de classe. Des entretiens individuels des personnels ont été conduits, ainsi que des entretiens avec les élèves et les parents de la classe de 3ème pour évaluer leur perception du climat scolaire. Enfin, quatre séances d’analyse de pratiques ont été mises en œuvre durant la première année scolaire tournant essentiellement autour des questions éducatives.

1er Résultat à discuter : en fonction de l’histoire du groupe et des antécédents personnels de chacun, l’équipe semble ne pas pouvoir supporter un travail sur les valeurs, la contraignant à se réfugier dans l’évitement. Oser ce travail en profondeur représenterait une menace pour la structure du groupe et serait même une atteinte à l’intégrité psychique d’un membre du groupe. Ainsi, la crise peut-elle être vraiment dépassée ? Jusqu’où les chercheuses s’autorisent-elles à aller ?

Biographie

Laurence Bergugnat est spécialiste des questions du stress au travail et de la violence à l’école. Elle a publié « Le stress des enseignants » en 2008 aux éditions Armand Colin et a contribué au Dictionnaire des risques psychosociaux (parution en février 2014).  Sylvie Barbier est spécialiste du co-apprentissage dans les groupes. Elle a entrepris son parcours de thèse avec les membres du GREFED (Groupe d’Etudes et de Recherches sur les Faits Educatifs et le Développement) sous la Direction de Georges Lerbet.

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