Des vies de mémoire : Lanzmann - Veil

Claude Lanzmann est mort le 5 juillet 2018. Pour beaucoup il restera le réalisateur du grand film de la mémoire de l'horreur nazie, "Shoah".

Source et fiche du film : IMBD

Neuf heure et trente minutes de reconstitution historique à travers les témoignages des vivants -- témoins, rescapés, bourreaux. Claude Lanzmann avait choisi de n'utiliser aucune image d'archives. Il lui a fallu douze ans pour mener ses recherches dans le monde entier, rencontrer ses interlocuteurs, filmer et monter la grande "sépulture" du peuple juif (1).

Quelques jours auparavant, Simone Veil est entrée au Panthéon, un an après son décès. Elle avait été la compagne de Lanzmann. Elle avait raconté les camps et son difficile retour de déportation. Une "expérience incommunicable" qui pourtant impose la parole comme "une nécessité, une promesse qu'on a faite et un engagement" (2). Comme lui, elle avait alimenté la réflexion sur le rôle de la mémoire et sur l'importance d'articuler témoignages et Histoire.

Notes :

(1) : On dit de lui qu'il avait "donné au peuple juif la sépulture qui lui manquait" (Didier Sicard).
(2) : Source sonore via France Culture

Lire et écouter Simone Veil

Un hommage possible à Simone Veil est de prendre le temps de la lire ou de la réécouter. Dans les archives sonores en ligne, ou dans les bibliothèques de l'Université de La Réunion vous trouverez notamment ces 6 propositions :


"Une vie". Dans son récit autobiographique paru en 2007 Simone Veil évoque sa jeunesse, son expérience des camps de concentration et ses engagements politiques : femmes, santé, Europe. > Lire un extrait en ligne (éditions Stock)
Un DVD documentaire retrace également son parcours : Simone Veil, Une histoire française (2004)

Droits et santé des femmes. Le vote en 1974 de la loi sur la légalisation de l'avortement, communément appelée Loi Veil, fit l'objet de grands débats, houleux, violents : "Je n'ai jamais ressenti autant de haine, une vraie haine, une haine qui veut tuer", confiera Mme Veil. Il y eut aussi de grands plaidoyers. Dans les archives de Radio France, on peut réentendre le discours de Simone Veil, alors ministre de la santé,  à l'Assemblée Nationale le 26 novembre 1974. Côté cinéma, c'est Emmanuelle Devos qui incarne la politicienne à ce moment clé de l'histoire des femmes dans le film La loi (le combat d'une femme pour toutes les femmes).

source : Internet Archive / Assemblée Nationale

Témoigner. Simone Veil, comme d'autres, a raconté les camps.  "Ce qui est insupportable, c'est de parler et de ne pas être entendu" (archives sonores de Radio France). A l'occasion d'un colloque sur l'histoire de la Shoah (1992), elle confiait avec beaucoup d'humilité ce regard de témoin. Elle rappelait, et c'était l'un des buts du colloque, l'importance d'articuler et faire dialoguer témoignages et Histoire. Tous deux partagent la même quête de réponses "à ce qui demeure largement inimaginable et incompréhensible". Tous deux rencontrent des obstacles : mur de silence, déni, urgence du consensus et de la reconstruction. Ils s'interpénètrent, se complètent, par delà les contradictions inévitables des paroles des survivants. "Le temps des historiens est venu" répétait-elle. Toujours en réflexion, elle s'interrogeait sur l'opportunité d'une loi sanctionnant le négationnisme :

"Y a-t-il lieu d'adopter une démarche de caractère exceptionnel, sans précédent, s'agissant de la Shoah ? La vérité historique doit-elle faire l'objet, en l'espèce, d'une protection juridique particulière?" (Réflexions d'un témoin)

En réponse elle invitait à s'engager dans l'analyse des "formes variées de résurgence de racisme", et dans la défense de la démocratie.

Références et accès : 

Idées de lecture : Albert Londres, une valise à la main

"Une valise, on dirait que c’est la liberté qu’on a dans la main". (Adieu Cayenne)

"La seule ligne que je connaisse, c'est celle de chemin de fer"

Voyageur infatigable, Albert Londres n'a eu de cesse de sillonner les continents et d'observer le monde comme il va. Il soumettait ensuite ses chroniques à la presse, au Petit Journal, à l'illustré l'Excelsior, ou au Petit Parisien. Un vaste monde en mouvement :

Albert Londres chez l'éditeur Le Serpent à Plumes

La France n'est pas en reste, explorée dans ses marges, dans les asiles (Chez les fous, 1925) ou près des prisonniers de Cayenne (Au bagne, 1923, ou encore le roman L'homme qui s'évada, adapté en BD par Laurent Maffre).

BD, dispo en BU Sciences

"Le médecin voit l'homme, l'administration voit le condamné. Pris entre ces deux visions, le condamné voit la mort" (Au bagne)

"Le café qui vient de Moka pousse au Brésil. On l’embarque sur l’Atlantique Sud. L’Atlantique Nord le berce un moment. Il passe par Gibraltar et, doucement, il s’amène sur la Méditerranée. Marseille ! On le débarque. On va le boire ? Pas si vite. Rentrez vos tasses dans le buffet. On le rembarque" (Marseille, porte du Sud)

 

A travers ses reportages, une constante domine : derrière l'humour, qui rend sa lecture si savoureuse, Albert Londres cherche le frère, le commun, ce qui fait que l'étrangeté de l'Autre nous ressemble toujours finalement. En négatif, il peint les visages de l'exploitation : les forçats des routes africaines comme ceux de la pédale du Tour de France (Tour de France, tour de souffrance, 1924).

Car nous sommes dans les années 20 et 30 et de grands bouleversements sont à l'oeuvre : le journaliste-reporter de l'Excelsior et du Petit Parisien conte l'essor du commerce international (Marseille, porte du Sud, 1927), de l'antisémitisme (Le juif errant est arrivé, 1930) et de la contestation du colonialisme (Terre d'ébène, 1929).

Livres empruntables disponibles en BU Droit-Lettres

Un goût pour l'absurde, un ton alerte, des phrases chocs et souvent elliptiques, font d'Albert Londres une plume au style unique qui emporte l'adhésion et permet d'entrer facilement, par jeu, dans ses reportages exigeants. Avec toujours cette impression d'en sortir plus intelligent -- du moins, mieux informé et bien diverti !

On comprend pourquoi le Prix Albert Londres, qui récompense les travaux journalistiques des grands reporters, porte son nom.

source : @DR France 3 Nouvelle Aquitaine

Ouvrages à retrouver principalement à la BU Droit-Lettres, ou à faire venir dans votre BU pour les emprunter. Vous préférez une version numérique ? Ces deux bibliothèques numériques proposent différentes anciennes éditions directement consultables en ligne :

Pour retrouver plus de citations d'Albert Londres, on peut naviguer chez Babelio.