Le coût de la connaissance

Dollars on a plate, de TaxCredits, licence CC-BY-2.1

Il y a deux ans, nous évoquions sur ce blog les difficultés d'accès aux résultats de la recherche, notamment sous leur forme la plus connue : les revues scientifiques. Le billet s'intitulait : Le savoir scientifique deviendra-t-il un produit de luxe ? Les publications coûtent cher, la situation n'a pas changé. Le contexte s'est même durci : les budgets des universités régressent et nombreuses sont les universités qui se voient obligées de résilier une partie de leurs abonnements numériques. La presse nationale s'en est largement fait l'écho (Le Monde du 12/02/2014, p.12). Notre université n'échappe pas à la règle, en procédant cette année à des suppressions d'abonnements, après une précédente vague en 2013, et après diverses baisses successives du budget alloué à la documentation physique traditionnelle (ouvrages, manuels et revues imprimés).

Les critères de choix des désabonnements. Il faut savoir que 65% du budget "Documentation électronique" de l'Université de La Réunion est sous engagement : il s'agit d'abonnements pluriannuels, aux tarifs négociés mais à la résiliation impossible pour 2014. Cela empêche toute politique documentaire. Parmi les 35% restants, les critères de sélection ont été : la priorité au texte intégral ; la priorité à la pédagogie et à la recherche ; l'exclusivité des revues ou bases en ligne ; éviter les réengagements pluriannuels qui présentent trop de risques en période de restrictions budgétaires annuelles.

Le mouvement des "licences nationales" en France (#istex). Parallèlement, de nouveaux abonnements ont été annoncés pour 2014 : il s'agit en réalité non d'abonnements mais d'achats nationaux d'archives de quelques grandes revues (ou packages de revues de grands éditeurs). Le coût se fait donc en une seule fois, au niveau national, avec garantie de la pérennité d'accès aux numéros des revues achetées. Les enjeux et modalités sont très clairement détaillés sur le site web dédié des "licences nationales". Les choses se compliquent lorsqu'une licence nationale se met en place sous la forme d'un abonnement pluriannuel de cinq ans... avec l'éditeur Elsevier, venant ainsi compléter la licence nationale de l'achat d'archives Elsevier ISTEX.

Le cas Elsevier, le marché Elsevier 2014-2018. Beaucoup de choses ont été dites sur Elsevier et ce n'est pas fini. A l'étranger, il y a d'abord eu cette pétition The cost of knowledge, qui invitait les chercheurs à un certain boycott de l'éditeur pour leurs prochaines publications. Plus largement, les universités manifestent leur résistance à continuer de consacrer une part toujours croissante de leur budget aux grands éditeurs, dont Elsevier devient presque le symbole négatif, même s'il n'est pas le seul. Il faut dire que l'allocution de l'un de ses dirigeants, rappelant l'impérieuse nécessité de la confidentialité des négociations et tarifs pour maintenir son business modèle (... sinon les prix risqueraient de baisser), dépenses publiques ou non, n'est pas passée inaperçue. Contraintes financièrement, les universités font donc des choix. Mais les suppressions d'abonnement, entre autres mesures d'économie, accentuent les inégalités entre établissements : l'idée de proposer un abonnement national aux revues Elsevier semble donc une bonne idée... tant que son financement vient en plus. La difficulté du marché Elsevier est là, d'autant que le contrat engage pour 5 années.

Quel modèle adopter entre égalité d'accès et maîtrise locale de son budget ? entre licence nationale et autonomie des universités ? Un abonnement national pluriannuel à Elsevier ne risque-t-il pas d'exposer davantage les autres ressources numériques souscrites en local par les universités ?

Crédit photo : "Dollars on a plate", de TaxCredits, licence CC-BY-2.0 

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