Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil est née le 17 décembre 1706 et est morte le 10 septembre 1749. Pendant très longtemps, elle ne fut reconnue que comme la protectrice de Voltaire. Ses contributions en tant que mathématicienne, physicienne et femme de lettres commencent à être reconnues depuis la fin du XXe siècle.
Son père était de la petite noblesse, mais il avait un poste à la cour de Louis XIV en tant qu'introducteur des ambassadeurs. Il tenait un salon hebdomadaire à Paris qui recevait des écrivains et des scientifiques, dont Fontenelle, le secrétaire perpétuel de l'Académie Royale des Sciences. Elle reçut la même éducation que ses frères : un privilège rare à cette époque. Elle étudia les mathématiques, la physique, plusieurs langues dont le latin, la littérature, l'équitation, le clavecin, le chant et la danse.
Après son mariage avec le marquis du Châtelet en 1725, elle mène une vie de femme de cour mondaine. Après avoir donné naissance à trois enfants, son mari et elle menèrent des vies séparées. Elle rencontra Voltaire en 1733. Ils s'installent à Cirey-sur-Blaise en Haute-Marne. Elle reprend alors des études scientifiques, notamment en se formant auprès de Maupertuis et de Clairaut. Elle étudie Leibniz et correspond avec Euler, différents membres de la famille Bernoulli, Koenig et Réaumur.
Une aile fut ajoutée à la demeure pour abriter des laboratoires. C'est Voltaire qui introduisit Emilie aux idées de Newton qu'il avait découvertes pendant son exil en Angleterre. Ils collaborèrent sur leurs recherches et entrèrent même en compétition en 1737 au Prix de l'Académie de Paris sur la nature du feu. C'est Euler qui finit premier de la compétition. Les soumissions étant anonymes, les contributions de du Châtelet et de Voltaire furent toutes les deux considérées comme étant de bonne qualité et furent publiées avec celles des gagnants. C'est ainsi qu'elle est devenue la première femme à être publiée par l'Académie des Sciences. Elle continua ses recherches sur la nature du feu et en déduisit que la couleur des flammes dépend de la température, ce qui préfigure la découverte des infrarouges.
Elle publia en 1740 les Institutions de physique, un livre sur les fondements de la physique, destiné à l'éducation de son fils de 13 ans. Deux articles du Journal des sçavans en firent des critiques très positives. Une partie de l'ouvrage, qui porte sur les forces vives, provoqua une controverse entre Emilie du Châtelet et le secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, Dortous de Mairan. En 1742, l'ouvrage eut une seconde édition incluant les réponses d'Emilie à de Mairan et fut traduit en allemand et en italien. Il fit l'objet d'une troisième édition en 1744 après des modifications toujours suite à la controverse.
Une partie de la décennie de 1740 fut consacrée à l'oeuvre pour laquelle elle est le plus connue : la traduction en français des Principia mathematica philosophiae naturalis de Newton, publié en latin en 1687. Elle a non seulement traduit en français le texte, mais elle a fait la transition entre le système de géométrie euclidienne utilisé par Newton et le nouveau système de notation mathématique inventé par Leibniz. Elle a aussi utilisé ce manuscrit pour faire un commentaire des travaux de Newton, expliquer les idées de Newton à un niveau compréhensible par des non-mathématiciens et remettre en cause certains de ses résultats. Cette traduction est à l'heure actuelle la seule qui ait jamais été faite en français des Principes mathématiques de Newton. Emilie du Châtelet a été un des piliers dans l'acceptation de la physique newtonienne en Europe.
Elle est morte en 1749, suite à un accouchement difficile. A l'époque, les grossesses dans la quarantaine étaient risquées pour la mère. Craignant de ne pas survivre, elle se consacra à la traduction des Principes mathématiques et les envoya au bibliothécaire du roi quelques heures avant sa mort. Il fallut attendre 10 ans pour que Voltaire réussisse à faire publier sa traduction, à titre posthume.
Ses écrits, à retrouver en ligne :
- Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Titre original: Philosophiae Naturalis Principia Mathematica. Londres, 1687. Par feue Madame la marquise du Chastellet. Paris: Dessaint & Saillant et Lambert, Imprimeurs, 1759. Deux tomes de 437 pp et 379 pp.
> En version originale en ligne sur Gallica.
> En version numérique, corrigée avec les divers errata sur Les classiques des sciences sociales
> ou en version papier à la BU Sciences. - Institutions de physique / par la Mise Du Châtelet, 1740, 450p, sur Gallica.
- Discours sur le bonheur / Mme Du Châtelet ; éd. critique et commentée par Robert Mauzi, 1961, 71p, sur Gallica.
- Dissertation sur la nature et la propagation du feu / par la Mise Du Châtelet, 1744, 139p, sur Gallica.
- Doutes sur les religions révélées, adressées ["sic"] à Voltaire, par Émilie Du Châtelet, 1792, 72p, sur Gallica.
- Réponse de Mme la Mise Du Chastelet à la lettre que M. de Mairan, secrétaire perpétuel de l'Académie royale des sciences, lui a écrite, le 18 février 1741, sur la question des forces vives, par Émilie Du Châtelet, 1741, 37p, sur Gallica.
Sur Emilie Du Châteler, en ligne :
- Mireille Touzery, « Émilie Du Châtelet, un passeur scientifique au XVIIIe siècle », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 21 | 2008, mis en ligne le 03 juillet 2010, consulté le 06 décembre 2016.
- Detlefsen, Karen, "Émilie du Châtelet", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Winter 2016 Edition), Edward N. Zalta (ed.), consulté le 06 décembre 2016.
- Zinsser, Judith P. “Translating Newton's 'Principia': The Marquise Du Châtelet's Revisions and Additions for a French Audience.” Notes and Records of the Royal Society of London, vol. 55, no. 2, 2001, pp. 227–245, consulté le 13 décembre 2016.
- Du Châtelet, Les essentiels littérature, Gallica, BNF, consulté le 14 décembre 2016.
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