Sophie DORDONNAT

Interview Sophie DORDONNAT, étudiante en M2 Biodiversité Ecologie et Evolution et stagiaire au sein du projet CREME

Sophie DORDONNAT, étudiante en Master 2 Biodiversité Ecologie et Evolution à l’Université Aix-Marseille, a effectué son stage de fin d’études à l’ISA, l’Institut Sophia Agrobiotech (INRAE) en partenariat avec l’Université de La Réunion dans le cadre du projet CREME.

Le sujet de son stage ? « Le suivi post-introduction d’Harmonia conformis dans les Alpes-Maritimes dans le cadre de la lutte biologique contre Acizzia uncatoides ».

Lumière sur les coccinelles prédatrices du psylle Acizzia uncatoides avec Sophie DORDONNAT.

 

Bonjour Sophie, peux-tu nous expliquer ton parcours ?

Sophie DORDONNAT : « Je suis actuellement en Master 2 Biodiversité Ecologie et Evolution, Gestion Adaptative de la Biodiversité (GABi) à l’Université Aix-Marseille. Mon Master se concentre surtout la gestion de la biodiversité, l’étude des systèmes biologiques et les solutions envisagées pour leur conservation souvent en partenariat avec des gestionnaires de l’environnement.  Avant cela, j’ai fait une Licence Biodiversité Ecologie et Evolution. J’ai eu envie très tôt de travailler dans la gestion de l’environnement, j’ai toujours aimé la biodiversité dans son ensemble et j’ai envie de la protéger. »

 

Pourquoi as-tu choisi ce stage au sein du projet CREME « Conservation & Restauration des Espèces & Milieux Endémiques » ?

Sophie DORDONNAT : « Ce stage m’a tout de suite interpellé par rapport à la problématique de conservation des Tamarins des Hauts et à la lutte biologique comme solution envisagée de conservation. Je n’avais pas du tout pensé que la lutte biologique pourrait être une solution pour ce type de problématique. »

 

Pourquoi cela ?

Sophie DORDONNAT : « En fait, je voyais surtout la lutte biologique comme un moyen de contrer les ravageurs de culture, une solution pour aider les agriculteurs. Mais je n’avais jamais imaginé la lutte biologique en solution dans des projets de conservation des milieux naturels. Ce stage est donc la preuve que, dans une optique de conservation, on peut faire de la lutte biologique. »

 

Peux-tu nous expliquer concrètement en quoi consiste ton stage ? Et en quoi, ce stage que tu effectues en Alpes-Maritimes, peut aider à la conservation du Tamarin des Hauts, espèce qui se trouve à La Réunion ?

Sophie DORDONNAT : « Le sujet de mon stage est axé autour du suivi post-introduction de la coccinelle australienne Harmonia conformis dans les Alpes-Maritimes et le Var dans le cadre de la lutte biologique contre le psylle Acizzia uncatoides. Il faut savoir que ce psylle est à l’origine d’un vrai problème de conservation à La Réunion. C’est un ravageur d’un arbre endémique, le Tamarin des Hauts, Acacia heterophylla.  Harmonia conformis est un prédateur naturel du psylle et, est donc, un agent de lutte biologique potentiel pour lutter contre Acizzia uncatoides à La Réunion. En effet, cette coccinelle a été introduite il y a une vingtaine d’années dans les Alpes-Maritimes pour lutter contre ce même psylle qu’on retrouve sur différentes espèces d’Acacia. Avant d’envisager toute introduction de cette coccinelle, il faut étudier certains de ses traits biologiques (spécificités notamment) et son écologie. Le but de mon stage va donc être d’étudier et de définir le fonctionnement du réseau trophique du psylle sur le terrain 20 ans après l’introduction de la coccinelle : plantes-hôtes, répartition, dynamique des populations, prédateurs, etc., puis d’analyser les interactions entre H. conformis et les autres espèces de coccinelles et entre H. conformis et les psylles. En ce moment, j’étudie les dynamiques de populations du psylle, à différentes altitudes et je cherche quelles sont les coccinelles associées et éventuellement d’autres prédateurs de psylles. Toutes ces informations seront utiles au préalable d’une éventuelle introduction de cette coccinelle à La Réunion. »

 

Le 31 Août marquera la fin de ton stage. Quelles conclusions scientifiques peux-tu en tirer ? Quels sont les résultats à retenir sur la problématique du psylle et ses prédateurs ?

Sophie DORDONNAT : « En ce qui concerne les dynamiques de populations du psylle, il faut savoir que ce dernier est bien établi, surtout en bord de mer où le climat est plus clément. Il y a des endroits comme le Parc du Paradou par exemple, où le psylle est vraiment très présent et associé à différentes espèces de coccinelles dont une des plus dominantes est la coccinelle asiatique Harmonia axyridis. C’est un parc avec de nombreuses espèces d’Acacia et d’Eucalyptus, qui sont les plantes-hôtes de plusieurs espèces de psylles. J’y ai échantillonné la quasi-totalité de la coccinelle Harmonia conformis pendant ma période de stage. De ce que j’ai pu constater pendant mon stage, Harmonia conformis est effectivement présente en France métropolitaine mais peu abondante par rapport aux autres espèces de coccinelles. »

 

Tu as pu apercevoir différentes espèces de coccinelles. As-tu également pu rencontrer plusieurs espèces de psylles (hormis Acizzia uncatoides) ?

Sophie DORDONNAT : « Cela dépend des plantes-hôtes. En général, sur les Acacia avec des feuilles phyllodes (donc plates), c’est Acizzia uncatoides qui est présent. Mais sur les Acacia à feuilles composées comme le Mimosa d’Hiver, c’est plutôt l’espèce Acizzia acaciaebaileyanae qui est présent.

De manière générale, la plupart des espèces de coccinelles sont associées à toutes les espèces de psylles. Mais j’ai remarqué, dans mon échantillonnage, que la coccinelle Calvia quatuordecimguttata est la plus associée au psylle Acizzia uncatoides.

 

Il est bien évidemment trop tôt pour le dire, mais Harmonia conformis semble se démarquer par rapport aux autres coccinelles comme agent de lutte potentiel contre le psylle Acizzia uncatoides. Si tel est le cas, conformis pourrait être introduite à La Réunion dans le cadre d’un programme de lutte biologique par acclimatation et aider à la conservation du Tamarin des Hauts. Quel est ton ressenti à ce propos ?

Sophie DORDONNAT : « De ce que je sais, Harmonia conformis est le prédateur naturel d’Acizzia uncatoides et elle est principalement psylliphage, c’est-à-dire qu’elle consomme surtout des psylles. Elle pourrait potentiellement faire un bon agent de lutte biologique mais cela dépend de plusieurs critères. Avant toute mise en place d’un programme de lutte biologique et toute introduction d’H. conformis à La Réunion, il est important de savoir si elle mange autre chose que le psylle Acizzia uncatoides et si cela peut avoir des impacts sur des espèces non cibles présentent à La Réunion, soit en consommant des proies autres qu’A. uncatoides, soit en entrant en compétition avec d’autres coccinelles. Il faut aussi déterminer si cette coccinelle peut s’acclimater dans les conditions climatiques de la Réunion. En somme est-elle efficace, sans risque et adaptée. »

 

Au final, qu’est-ce que ce stage t’a apporté ?

Sophie DORDONNAT : « C’était ma première véritable expérience professionnelle et j’ai vraiment aimé le fait d’être indépendante et prendre des initiatives. J’ai adoré travailler en collaboration avec les professionnels autour de moi, l’esprit d’équipe, les échanges, les conseils précieux qu’on a pu me donner. J’ai beaucoup apprécié notamment le fait de pouvoir découvrir les sujets sur lesquels les autres travaillent, apprendre d’autres choses et ne pas rester uniquement dans mon domaine. Le stage m’a également conforté dans l’idée que c’est bien dans la gestion de l’environnement que je souhaite continuer ma carrière professionnelle. »

 

Que souhaiterais-tu faire après ton stage ? Envisagerais-tu de commencer une thèse ?

Sophie DORDONNAT : « Pour le moment, je ne sais pas si je vais continuer en thèse. Je sais que j’aimerais idéalement travailler un bureau d’études ou dans un organisme public comme l’INRAE. Ce que je préfère c’est aller sur le terrain. Je suis ouverte à tout tant que je peux faire du terrain, étudier un système biologique en particulier et acter pour la conservation et la gestion adaptative de la biodiversité. Je serai plus axée Conservation & Gestion de l’Environnement. »

 

Justement, tu as effectué ton stage au sein de l’INRAE, comment cela s’est passé pour toi ?

Sophie DORDONNAT : « J’ai vraiment aimé travailler à l’INRAE. L’équipe est vraiment sympa, ils savent de quoi ils parlent et ils m’aident vraiment. Il s’agit d’un grand organisme, mais c’est agréable d’y travailler. On ne subit pas de pression et l’ambiance est super.

 

Tu as également eu des co-encadrants à La Réunion au sein de l’UMR PVBMT (Unité Mixte de Recherche qui réunit le Cirad Réunion-Mayotte et l’Université de La Réunion), comment as-tu gérer la distance ? Cela n’a pas été trop difficile ?

Sophie DORDONNAT : « Je n’ai pas tellement senti la difficulté quant au fait de travailler à distance avec l’UMR-PVBMT car mes co-encadrants étaient extrêmement impliqués, c’était très agréable. On faisait régulièrement des visios, on s’écrivait beaucoup par mail et j’obtenais à chaque fois les réponses à toutes mes questions. »

 

Crédits Photos : © Michèle Rossini

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