Semaine du Libre Accès 2017 #2 Actualité des modes de publication scientifique : les preprints

Depuis plusieurs mois, le paysage informationnel scientifique connait un fort développement des plateformes web de preprints. En chimie et sciences de la vie, six archives d'articles librement accessibles en ligne ont ainsi ouvert dans les derniers mois :

 

 

Le mot Preprint, ou pré-publication désigne un article qui n'a pas encore été publié dans une revue mais dont les résultats deviennent publics via un entrepôt en ligne (repository ou encore archive). Ces plateformes web librement accessibles assurent à la fois stockage et diffusion en ligne des articles, comme arXiv.org l'une des premières grandes "archives" ouvertes à la reconnaissance internationale.

Pour faire le point sur les preprints :  Ce court billet de l’excellent blog Redaction Médicale et Scientifique fait le point sur ce mouvement actuel : http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2017/08/les-archives-ouvertes-de-preprints-se-d%C3%A9veloppent-rapidement.html

Quelques éclairages supplémentaires pour aller plus loin :

Le contexte. Cette appétence des chercheurs pour les preprints, qu'ils en soient les lecteurs ou les auteurs, participe du profond renouvellement en cours des pratiques de publication -- et plus largement d'éditorialisation de la science.

  • L'éditeur de revues n'est plus au centre du système.
  • On peut publier sans revue (archives de preprints, meta-revues, ou encore les réseaux sociaux académiques comme ResearchGate avec de nombreuses incertitudes).
  • On peut s'évaluer autrement : la relecture par les pairs peut par exemple se faire après la publication (post-peer-review), de façon ouverte voire anonyme ou pas.
  • On peut même presque tout lire sur des plateformes pirates (cf. notre billet sur SciHub).

Des plateformes numériques dédiées aux preprints : pour faciliter la création d’entrepôts de preprint, de nouvelles offres techniques se mettent en place. Exemple : un nouveau service en ligne, l’OSF Preprint propose de créer des archives de preprints librement accessibles en ligne, utilisant l’Open Science Framework (gratuit et open-source). On peut également retrouver les différentes archives thématiques sur le site web d’OSF Preprint : en plus des nouvelles citées plus haut, AgriXiv (agriculture), BITSS (méthodologie de la recherche), engrXiv (ingénierie),  LawArXiv (droit),  PsyArXiv  (psychologie), SocArXiv  (sciences sociales), Thesis Commons (theses and dissertations), et  OSF Preprints (toutes disciplines).

Les acteurs des preprints : là encore, nous retrouvons à la fois les acteurs du libre accès, comme le Center for Open Science, et les éditeurs traditionnels, comme Elsevier ou l’ACS.

  • On voit ainsi Elsevier conforter sa présence dans le monde des prépublications avec la création successive de BioRN (juin 2017) et chemRN (août 2017), après son rachat du célèbre réseau de recherche en sciences sociales SSRN (2016) et, tout récemment, le rachat de Bepress (août 2017).
  • Des rachats qui n'ont pas fini de susciter polémique et mécontentements auprès des chercheurs inquiets de la perte d'indépendance de leurs outils de diffusion. En témoigne le lancement ces derniers jours de l'Opération beprexit (pour "bepress exit") : l'université de Penn s'organise pour quitter l'écosystème web des grands éditeurs et se tourner vers des plateformes ouvertes et librement modifiables (open source). Tous les détails sur l'opération beprexit ici

Preprint et rigueur scientifique ? Question fréquente même si le problème ne concerne pas que les preprints, ni plus largement les publications en open access : les articles relus, validés et publiés dans de grandes revues d’éditeurs scientifiques font aussi régulièrement l’objet de critiques voire de dé-publication (on parle de retraction : cf. blog Retraction Watch).

  • Attention, comme pour les revues, il existe des archives de preprints « prédatrices », de mauvaise qualité scientifique : ChemArxiv qui joue sur la ressemblance avec la toute nouvelle ChemRxiv d’ACS en cours de lancement (source ACS)

Droits et éditeurs : Liens entre preprint et la publication chez un éditeur : Pour une liste de maisons d'éditions et de revues utilisant des preprints.

Ajout du 27/10/2017
Vers une reconnaissance des preprints dans les carrières ? "Un collectif français d'institutions déclare que les preprints peuvent être pris en compte dans les CV !" (source : l'excellent blog Rédaction médicale)

Logos des institutions reconnaissant les preprints (même source)

Pour conclure en image, voici quelques logos de plateformes ("archives") de preprints :

Lire et analyser en automatique toutes les revues en ligne ? Les enjeux du "text data mining"

Crédit photo : Big oil, de jumpinjimmyjava, licence CC-BY-NC,

Avec le numérique, les usages évoluent. La mobilité est l'exemple le plus connu : désormais on peut accéder de partout, au bureau comme chez soi, aux revues en ligne de son université, à ses résultats d'examen, à ses documents de travail partagés, ou encore aux meilleurs scores de son jeu vidéo préféré. L'augmentation exponentielle des capacités de stockage, de calcul et de traitement par l'informatique est une autre révolution : tout est transformable en données informatiques et donc exploitable par des machines. Quoi de plus naturel alors qu'envisager la lecture, l'analyse et l'exploitation automatique de l'ensemble des publications scientifiques ?

Le text data mining et les revues en ligne scientifiques. Le text data mining, également appelé TDM ou fouille de texte, représente à ce titre l'un des nouveaux gros enjeux de nos abonnements de documentation électronique en matière de soutien à la Recherche. Jusqu'alors, les contenus des abonnements étaient lus par des humains. A présent, ils peuvent être lus (et analysés, traités, etc.) par des machines. Ces possibilités de traitement informatique ouvrent de nouveaux horizons pour les chercheurs :

  • croisement des données issues de différents abonnements,
  • élargissement des corpus de recherche des chercheurs,
  • nouvelles méthodologies d'analyses,
  • repérages de tendances "faibles" (peu repérables par des lectures humaines),
  • etc.

C'est pourquoi de nombreux instituts de recherche dans le monde mettent en place des dispositifs techniques de text data mining. C'est d'ailleurs l'un des objectifs de la future "Bibliothèque scientifique numérique" française : la future plateforme web de la BSN devrait proposer des services de fouilles et traitements automatisés sur les contenus numériques souscrits ou achetés par les bibliothèques. Les contrats signés dans le cadre d'ISTEX, destinés à alimenter cette plateforme, incluent les usages TDM.

Côté publications scientifiques, certains grands éditeurs académiques proposent de commercialiser ces usages jugés "supplémentaires" : on parle de nouvelles licences d'abonnement spéciales text data mining, à payer en plus des abonnements classiques. Cela rappelle l'époque où les fournisseurs faisaient payer en plus les "accès hors campus" des étudiants et enseignants-chercheurs des établissements, alors même que c'étaient les universités qui mettaient en place les solutions techniques d'accès distant.

Outre l'aspect financier, certains éditeurs imposent des restrictions qui dénaturent le text data mining. C'est le cas d'Elsevier dans la proposition de licence nationale (qui est toujours en cours de négociation) : l'accès et l'analyse automatisée des publications Elsevier ne serait autorisée que via l'application informatique proposée par Elsevier par tronçon de 10 000 articles maximum à la fois, avec droits de citation en cas de publication des résultats n'excédant pas 350 mots (1). Ou le cas de Springer qui souhaite connaître le détail du projet de recherche avant d'autoriser (ou non) le data mining (3). N'est-ce pas prendre le risque d'un trop grand poids des éditeurs à la fois dans l'orientation des politiques de recherche et dans la connaissance des projets en cours ?

Arguments des éditeurs, enjeux pour la recherche universitaire, vigilance : tout cela est très bien expliqué dans le communiqué Couperin / ADBU sur l'édition scientifique et le text data mining. Le texte appelle à réviser la législation pour protéger ces usages : intégrer les exceptions d'usages pédagogiques et de recherche dans les droits de propriété intellectuelle (cela couvrirait le TDM), en suivant l'exemple de la Grande Bretagne ou la jurisprudence américaine. Il invite également à refuser les restrictions aux TDM. Par delà la technicité du débat, le text data mining apparait comme un révélateur des enjeux actuels de la collaboration entre les acteurs de la Recherche et les éditeurs commerciaux.

  • Accès direct au Communiqué Couperin / ADBU (PDF)
  • Ajout 17/12/2015 : l'excellent blog/carnet de recherche "Introduction aux humanités numériques" propose une introduction claire et détaillée au "Text Mining : quand le texte devient donnée"

Crédit photo : Big oil, de jumpinjimmyjava, licence CC-BY-NC
(1) et (2) Source : le communiqué Couperin / ADBU, page 4 et 5, qui détaille également ses sources.

Le coût de la connaissance

Dollars on a plate, de TaxCredits, licence CC-BY-2.1

Il y a deux ans, nous évoquions sur ce blog les difficultés d'accès aux résultats de la recherche, notamment sous leur forme la plus connue : les revues scientifiques. Le billet s'intitulait : Le savoir scientifique deviendra-t-il un produit de luxe ? Les publications coûtent cher, la situation n'a pas changé. Le contexte s'est même durci : les budgets des universités régressent et nombreuses sont les universités qui se voient obligées de résilier une partie de leurs abonnements numériques. La presse nationale s'en est largement fait l'écho (Le Monde du 12/02/2014, p.12). Notre université n'échappe pas à la règle, en procédant cette année à des suppressions d'abonnements, après une précédente vague en 2013, et après diverses baisses successives du budget alloué à la documentation physique traditionnelle (ouvrages, manuels et revues imprimés).

Les critères de choix des désabonnements. Il faut savoir que 65% du budget "Documentation électronique" de l'Université de La Réunion est sous engagement : il s'agit d'abonnements pluriannuels, aux tarifs négociés mais à la résiliation impossible pour 2014. Cela empêche toute politique documentaire. Parmi les 35% restants, les critères de sélection ont été : la priorité au texte intégral ; la priorité à la pédagogie et à la recherche ; l'exclusivité des revues ou bases en ligne ; éviter les réengagements pluriannuels qui présentent trop de risques en période de restrictions budgétaires annuelles.

Le mouvement des "licences nationales" en France (#istex). Parallèlement, de nouveaux abonnements ont été annoncés pour 2014 : il s'agit en réalité non d'abonnements mais d'achats nationaux d'archives de quelques grandes revues (ou packages de revues de grands éditeurs). Le coût se fait donc en une seule fois, au niveau national, avec garantie de la pérennité d'accès aux numéros des revues achetées. Les enjeux et modalités sont très clairement détaillés sur le site web dédié des "licences nationales". Les choses se compliquent lorsqu'une licence nationale se met en place sous la forme d'un abonnement pluriannuel de cinq ans... avec l'éditeur Elsevier, venant ainsi compléter la licence nationale de l'achat d'archives Elsevier ISTEX.

Le cas Elsevier, le marché Elsevier 2014-2018. Beaucoup de choses ont été dites sur Elsevier et ce n'est pas fini. A l'étranger, il y a d'abord eu cette pétition The cost of knowledge, qui invitait les chercheurs à un certain boycott de l'éditeur pour leurs prochaines publications. Plus largement, les universités manifestent leur résistance à continuer de consacrer une part toujours croissante de leur budget aux grands éditeurs, dont Elsevier devient presque le symbole négatif, même s'il n'est pas le seul. Il faut dire que l'allocution de l'un de ses dirigeants, rappelant l'impérieuse nécessité de la confidentialité des négociations et tarifs pour maintenir son business modèle (... sinon les prix risqueraient de baisser), dépenses publiques ou non, n'est pas passée inaperçue. Contraintes financièrement, les universités font donc des choix. Mais les suppressions d'abonnement, entre autres mesures d'économie, accentuent les inégalités entre établissements : l'idée de proposer un abonnement national aux revues Elsevier semble donc une bonne idée... tant que son financement vient en plus. La difficulté du marché Elsevier est là, d'autant que le contrat engage pour 5 années.

Quel modèle adopter entre égalité d'accès et maîtrise locale de son budget ? entre licence nationale et autonomie des universités ? Un abonnement national pluriannuel à Elsevier ne risque-t-il pas d'exposer davantage les autres ressources numériques souscrites en local par les universités ?

Crédit photo : "Dollars on a plate", de TaxCredits, licence CC-BY-2.0 

ISTEX – Acte III : des nouvelles ressources électroniques dans votre Université

De nouvelles ressources électroniques sont désormais accessibles à l'Université grâce au dispositif ISTEX. Le projet ISTEX, vaste programme d'acquisition de ressources scientifiques au niveau national, franchit ainsi une nouvelle étape :

Acte I. Octobre 2012 : enquête nationale sur les besoins des enseignants-chercheurs
Acte II. Octobre 2013 : test national d'une sélection de ressources
Acte III. Janvier 2014 : 6 nouvelles ressources électroniques accessibles dans les universités

licencesnationales.fr et Istex

Vous trouverez ici le communiqué officiel sur ces nouvelles ressources électroniques ISTEX. Toutes fonctionnent à l'Université de La Réunion depuis quelques jours. Vous pouvez également y accéder hors campus à partir du site web des Bibliothèques.

Accès et listes des titres concernés :

  • Archives de revues Elsevier (toutes disciplines) : 2200 titres de revues scientifiques publiées par Elsevier depuis les origines jusqu’à 2001 - Voir la liste des revues Elsevier
  • Nature (sciences): la revue Nature + 7 autres publications (immunologie, biologie, chimie...). Voir la liste des revues Nature
  • Royal Society of Chemistry (chimie) : 118 titres de revues scientifiques publiées par la Royal Society of Chemistry depuis les origines jusqu’à 2010 - Voir la liste des revues RSC
  • Brill Journals (SHS, droit) : 220 titres de revues publiées par Brill depuis les origines jusqu’à 2012, consacrées principalement aux humanités, aux sciences sociales, au droit international et aux droits de l’homme, et à la biologie - Voir la liste des revues Brill
  • RCADI (droit) : Recueil des cours de l'Académie de Droit international de La Haye, depuis les origines jusqu'en 2012. NB : On perd donc 1 an par rapport à l'abonnement payant que nous avons arrêté pour 2014.
  • New Pauly (SHS) : Encyclopédie de référence en sciences de l’Antiquité, dans sa version anglaise et allemande.

En savoir plus sur : les autres négociations en cours // l'ensemble des ressources déjà disponibles en licence nationale // qu'est-ce qu'une licence nationale et pourquoi ISTEX

Editeurs / Fournisseurs participants :logo des participants

 

Mendeley racheté par Elsevier. Le moment de passer à Zotero !

zotero-logoLa rumeur circulait depuis plusieurs semaines, c'est désormais officiel. Elsevier a racheté Mendeley entre 69 à 100 millions de dollars.

L'un des plus importants éditeurs de revues scientifiques au monde a racheté l'outil de gestion et de partage de références bibliographiques le plus en vogue dans les milieux académiques. Dés l'annonce de la vente, beaucoup universitaires ont fait part de leurs inquiétudes sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, le hashtag #mendelete (contraction de "Mendeley" et "delete" effacer en anglais) expliquait comment supprimer son compte et proposait des alternatives crédibles.

Car le rachat de l'application par le géant Elsevier pose question. Non content d'être le poids lourd du paysage éditorial universitaire et d'accaparer une majeure partie du budget de documentation électronique des BU, Elsevier pourra bientôt connaître toutes les références collectées par les enseignants-chercheurs, quand, comment et avec qui les  articles sont partagés. Une quantité gigantesque de données personnelles qui leur servira pour la production de nouveaux services aux clients (universités, chercheurs, bibliothèques) ciblés et facilement monnayables.

Si vous utilisez Mendeley, ce rachat est peut-être l'occasion de vous interroger sur les conséquences d'un tel changement. Quelle valeur ont vos données personnelles ? Y a-t-il un problème à ce qu'elles soient librement utilisées par un éditeur scientifique privé ?

Mais, pas de fatalité, il existe une alternative rodée et sûre à Mendeley : Zotero. Application gratuite et open-source, elle répondra à l'essentiel de vos besoins en matière de gestion de références bibliographiques. La BU propose depuis plusieurs mois des formations rapides et pratiques à l'utilisation de cette application. Que vous souhaitiez tester ou passer définitivement à Zotero, que vous soyez enseignant-chercheur, étudiants ou juste intéressé, n'hésitez pas à contacter Alain Griot, responsable des formations (alain.griot (AT) univ-reunion.fr) afin d'organiser une séance.