L'explorateur d'un nouveau genre : Alfred Grandidier et Madagascar

Le nom d'Alfred Grandidier est à jamais lié à la Grande Île. C'est pourtant une crise de paludisme contractée en Inde, son grand projet d'exploration, qui le contraint à changer ses plans. Il part se reposer à La Réunion mais sera rapidement attiré par Madagascar, vaste territoire encore peu traversé par les Occidentaux dans ces années 1860.

Jehanne-Emmanuelle Monnier nous livre dans "Profession explorateur : Alfred Grandidier 1836-1921" (dispo à la BU Droit-Lettres-Océan Indien) le parcours de cet explorateur d'un nouveau genre. Financièrement à l'aise grâce à l'héritage de son père, Alfred Grandidier a pu se consacrer jeune à l'exploration même s'il n'était pas prédestiné à cette voie. Il part découvrir les Amériques à 21 ans et les Indes britanniques à 24 ans.

Alfred Grandidier (1836-1921). Source : Wikimedia Commons

Naturaliste de formation, il est à la recherche d'un terrain d'exploration qui lui permettra d'inscrire son nom au panthéon des explorateurs. Ce sera Madagascar.
Il y séjournera quatre ans (1865-1967 ; 1868-1870) sillonnant l'île de long en large et récoltant "suffisamment de matériel pour alimenter un demi-siècle d'analyses". Grandidier est unanimement reconnu par ses pairs pour la précision de ses relevés, la richesse de ses prélèvements et la rigueur de son travail. Sa cartographie de l'Île Rouge a longtemps fait référence si bien que ses cartes et son expertise furent exploitées par l'armée françaises pour conquérir et coloniser le territoire.

Carte de Madagascar dressée par A. Grandidier, en 1872, revue en 1884 (source : Gallica)

Car J.-E. Monnier montre comment les travaux de Grandidier ont, bien sûr, servi des desseins scientifiques mais aussi, par la force de l'époque des objectifs de colonisation. Ses connaissances ethnographiques ont ainsi permis à l'armée de mieux appréhender les relations interethniques sur la Grande Île et mieux contrôler la population.

Ce n'est qu'à son retour en France que Grandidier est consacré expert international de Madagascar, publiant sans relâche jusqu'à sa mort, se tenant informé grâce à son vaste réseau d'amis et d'obligés de tout ce qui s'y déroulait aussi bien sur le plan scientifique que politique et manœuvrant dans les sphères académiques pour perpétuer sa position de prestige.